MEDIA CORSICA
L’UE piétine sur la réforme du marché du carbone
"Par : Aline Robert | EURACTIV.fr
20 déc. 2016 (mis à jour: 13 févr. 2017)
Le commissaire Canete et le ministre de l'Environnement slovaque, Laszlo Solymos
Après plus d’un an de négociations, les Etats membres ne trouvent pas de terrain d’entente pour mettre en musique l’accord de Paris en réformant le marché du carbone. Réunis pour le dernier conseil de ministres de l’UE présidé par la Slovaquie, les ministres de l’environnement ont fait part de positions très divergentes, lundi 19 décembre, sur la réforme du marché du carbone.
Les négociations entamées il y a plus d’un an dans les différentes institutions européennes ont déjà abouti en commission Environnement, au Parlement européen.
Le Parlement européen veut durcir la contrainte carbone pour les industriels
Une réforme du marché du carbone plus ambitieuse que prévu se dessine après un vote de la commission environnement. Reste à convaincre l’ensemble du Parlement européen, et surtout les États membres. Mais malgré un gros effort de la présidence slovaque semble-t-il, qui a dénoncé un « manque de volonté politique » sur ce sujet, (cf Réactions) la proposition initiale de la Commission ne fait guère consensus.
La Pologne vent debout contre la proposition
« Chacun s’accorde pour estimer qu’il faut que les prix du carbone grimpent » a relevé le commissaire Canete, en tentant de trouver un sujet de concorde. Une remarque quelque peu optimiste toutefois : durant la réunion, le ministre de l’environnement polonais avait en effet remis en cause cet objectif. « La Pologne ne pense pas qu’il faille peser sur le prix du CO2 par le biais de la réserve de stabilité, il faut encore débattre » avait ainsi indiqué le représentant polonais.
La Pologne s’est une nouvelle fois démarqué avec des positions très opposées aux texte, soulignant que le caractère juridique même de la réforme (une révision de directive) était à revoir. « J’ai l’impression que l’on a pas bien compris l’esprit de l’accord de Paris » a insisté le représentant du ministre polonais, estimant que chaque Etat devait désormais organiser à sa façon la lutte contre le changement climatique, et que la Pologne notamment devait pouvoir s’organiser à sa guise, avec ses propres lois.
Les autres Etats membres se sont néanmoins montré moins véhéments. La plupart ont néanmoins fait bloc contre une des propositions de la Commission.
Appel à la simplicité
Les Etats-membres semblent en effet s’accorder sur le fait qu’il faudrait éviter de mettre en place un système de « facteur de correction sectorielle », un mécanisme qui permet de répartir des allocations gratuites de quotas aux 10 % des industriels les plus performants sur le plan des émissions de CO2.
« Il faut éviter de recourir à ce système, et consolider le marché du carbone avec des outils simples » a souligné la ministre néerlandaise. « Si nous prenons du retard avec un marché qui ne fonctionne pas nous allons nuire à nos enfants et nos petits-enfants » a ajouté Sharon Dijksma.
Il faut dire que cette hypothèse suggérée par l’exécutif européen viendrait encore compliquer le dispositif, alors même que les Etats-membres s’accordent sur le fait qu’il est trop compliqué, et qu’il devrait donc être avant tout simplifié : c’est la principale conclusion commune à laquelle la présidence slovaque a abouti.
Parmi les autres propositions de réforme du marché, le montant total de quotas qui seront mis aux enchères, tout comme le mode de calcul du nombre total de quotas continue de faire débat.
« Il n’est pas normal de maintenir un système d’allocations gratuites beaucoup trop nombreuses et généreuses » a ainsi soutenu le représentant français de la ministre de l’Ecologie française, Ségolène Royal, elle-même se montrant rarement aux réunions des ministres de l’environnement à l’inverse de son équivalente allemande, Barbara Hendricks. Laquelle a de son côté appelé à respecter les engagements internationaux de l’accord de Paris en les concrétisant par la réforme du marché du carbone européen.
« C’est un triangle : nous devons prendre des mesures pour renforcer le marché du carbone, mais aussi pour se protéger face aux risques de délocalisation liées à la contrainte CO2, et aussi mettre en place un fonds qui favorisera la décarbonisation de l’économie. La balle est maintenant aux mains du Conseil » a souligné le commissaire au climat, Miguel Arias Canete, non sans défier les représentants des Etats membres : « s’il y a un accord au Parlement européen, on doit pouvoir trouver un accord entre Etats membre » a-t-il indiqué.
Une ambition encore très théorique
Si les Etats membres se montrent relativement d’accord pour intensifier la réserve de stabilité, qui permet de mettre au placard de plus en plus de quotas, ils restent divisés quant au rythme de réduction des allocation.Les pays les plus vertueux(Allemagne, France, Pays-Bas, Suède notamment) soutiennent la position actuelle du Parlement, soit une réduction de 2,4 % par an du nombre de quota, ainsi que des quotas payant dans 57 % des cas. Mais d’autres Etats veulent au contraire un rythme plus lent de retrait des quotas. Ou encore ne veulent que 52 % de quotas payant, soit un sur deux, comme plusieurs pays de l’Est. Une proposition avec laquelle le lobby de l’acier, Eurofer, se sent en affinité.
Vu l’importance des divergences malgré de longues négociations, il semble peu probable que les tenants de l’ambition puissent convaincre leurs partenaires d’emprunter cette voie sans concessions supplémentaires. Des concessions qui pourraient se traduire par une hausse de la répartition des fonds collectés par le marché du carbone et distribués par la suite aux Etats les moins avancés dans la transition énergétique."
La Suède passe au zéro carbone
"Isabella Lövin, ministre suédoise du climat, adresse un petit clin d'oeil à Donald Trump. Johan Schiff
Le royaume scandinave prend le leadership climatique européen.
C’est voté !
A une écrasante majorité, les parlementaires suédois ont adopté le projet de politique climatique.
Prévue pour entrer en vigueur le 1er janvier prochain, la loi fixe comme principal objectif la neutralité carbone du
royaume d’ici 2045.
Le royaume scandinave devra donc considérablement réduire ses émissions domestiques (de 75% entre 1990
et 2040). Le solde —pas de plus de 2% en 2040— devant être ‘compensé’ par du stockage forestier ou des
actions de réduction d’émission à l’étranger.
Pour accélérer le mouvement, le gouvernement est désormais tenu de préciser sa politique climatique et de fixer des objectifs chiffrés à chaque famille d’émetteurs de gaz à effet de serre (industrie, agriculture, transports, etc.). Chaque année, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, Stockholm devra faire le point sur l’avancée de la décarbonation. Tous les 4 ans, la politique nationale devra être révisée.
La tâche s’annonce difficile pour les prochaines administrations suédoises: le royaume n’a réussi à réduire ses émissions de GES que de 16% entre 2000 et 2014, –notamment grâce à une audacieuse réforme fiscale. Selon les calculs de l’institut Goddard de la Nasa, le mois de mai 2017 a été le deuxième mois de mai le plus chaud jamais observé depuis 137 ans. Dans le centre de l’Angleterre, soulignent le CEH et le BGS, on n’avais pas connu de printemps aussi chaud depuis 1659."