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Cynthia Fleury

 

Vit à Paris

 

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La chronique de l'Huma offerte par Cynthia Fleury

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

psychanalyste et philosophe française, qui enseigne la philosophie politique (en qualité de research fellow et associate professor) à l'American University of Paris3, et est également chercheur associé au Muséum national d’histoire naturelle.

 

 

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Un siècle et demi, et pourtant

 

 

           «Le véritable souverain est celui qui fait lui-même ce qu’il croit utile pour son pays.»

 

C’est un anniversaire qu’on ne se privera pas de fêter en mai 2016, les 150 ans de la Ligue de l’enseignement. En ces temps de République très chahutée, l’Utopie citoyenne (La Découverte, 2016), de Jean-Michel Djian, nous replonge dans notre histoire, trop souvent ignorée, alors qu’elle constitue tant de nos espérances.

 

Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte remporte l’élection présidentielle. Ce jour-là, Jean Macé, l’inventeur principal de la future ligue, pressent que ce dernier veut restaurer l’Empire. Il décide alors « d’ensemencer le socialisme émancipateur partout dans les villes et les campagnes ». Même avec un mandat d’arrêt contre lui, Macé, le journaliste, continue de produire feuilles de chou et autres contributions pour défendre la République, et notamment les élections libres. En 1852, il en appelle même à Dieu dans une Prière socialiste pour les enfants : « Mon Dieu qui avez fait tous les hommes pour être heureux, délivrez-nous de la misère et de la tyrannie. » Mais, en bon chrétien, il sait qu’il vaut mieux en passer par la voie républicaine pour le côté pratico-pratique : il crée en 1863 une société des bibliothèques communales du Haut-Rhin et enchaîne, avec l’aide de ses amis Hetzel et Jules Verne, la création d’un nouveau journal, le Magasin d’éducation et de récréation, qui défend un savant alliage de l’amusant et de l’utile, satisfaisant les parents et plaisant aux enfants. L’instruction doit avoir bon goût. En 1866, fort de son élan, il crée avec Jules Ferry, Jules Favre, Camille Flammarion, Charles-Augustin Sainte-Beuve, pour ne citer que les principaux, la Ligue française de l’enseignement, deux ans après qu’une ligue similaire ait été créée en Belgique.

Très vite, elle compte 5 000 membres originaires de tous les coins de la France. « Ici, c’est le peuple lui-même qui se ceint les reins, et prépare son avènement à la vie politique en s’organisant en sociétés d’instruction », écrit Macé dans une tribune publiée dans l’Opinion nationale. On plaide aujourd’hui pour la multiplication des insularités sociales de l’économie solidaire et de l’éducation populaire, les fab labs, et autres tentatives locales d’empowerment citoyen, mais la chose est loin d’être nouvelle. À l’inverse, elle est contemporaine de l’école gratuite et laïque accessible à tous. Presque consubstantielle : là où l’éducation se démocratise, les formes politiques capacitaires et l’invention démocratique croissent pareillement.

 

Depuis, la Ligue, « hydre confédérale à plusieurs têtes », décrit Djian, représente 25 000 associations affiliées, 5 000 salariés en équivalent temps plein, 1 500 000 adhérents, pèse plus de 1 milliard d’euros et s’autofinance à 82 %. « La souveraineté du citoyen ne consiste pas seulement à mettre, le jour du vote, un morceau de papier dans une boîte : le véritable souverain est celui qui d’un bout à l’autre de l’année fait lui-même ce qu’il croit utile pour son pays. » Ou comment Macé n’a pas attendu le XXIe siècle pour évoquer la nécessité de la démocratie continue.

 

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