MEDIA CORSICA
L'île du bonheur, par Daniel Natalini :
Les éditions Maïa, nous ont mis en contact avec Daniel Natalini. Nous avons eu envie de lui
poser quelques questions après avoir pu découvrir son livre, "L'île du bonheur". En cette période
rude que nous traversons le bonheur est une recherche impétueuse vers laquelle nous
souhaitons toutes et tous aller...
- Comment êtes-vous venu à devenir auteur (à la différence d'écrivain) ? :
Auteur, voilà un un terme équivoque. On peut être l’auteur d’un forfait comme d’un chef-œuvre. Devient-on auteur
en prenant de la hauteur ? Peut-être, à condition de ne pas voler trop haut auquel cas l’on risquerait de perdre de
vue la scène. Plus sérieusement, je crois que j’aime raconter des histoires, voyager et faire voyager les autres. Ce premier roman —imprévu—, est né d’un synopsis pour une bande dessinée. J’avais été ébranlé par les événements de Fukushima, ces enfants soumis à des protocoles sanitaires inhumains, ces habitants que l’on pousse à rester dans des zones inhabitables. Je découvrais la face sombre du Japon et je voulais l’évoquer tout en l’exorcisant par sa face lumineuse, son lien spirituel et physique avec la nature, son sens de l’impermanence, l’importance des rêves, YUME. C’est en m’arrêtant devant le beau présentoir des éditions U Cursinu, que l’idée de faire de cette histoire la graine d’un roman, a germé. Je ne savais pas ce qui m’attendait, aux innocents les mains pleines, l’entreprise romanesque est une aventure en soi mais elle demande une sorte d’acharnement passionnel, l’activité est chronophage, son appétit sans borne.
- La Corse est-elle pour vous cette île du bonheur ou Avalon ? :
La clé du bonheur réside bien-entendu à l’intérieur de chacun d’entre nous, la clé du malheur aussi. Il est très facile de fabriquer du malheur, le bonheur nous paraît plus inaccessible, et pourtant... L’Île a tout pour être cette « Île du bonheur » . Il y a seulement une condition préalable; que ses habitants soient bienheureux, nous voilà bien avancé. Je suis un enfant de l’île, elle m’a façonné, je suis fait de son soleil, de sa roche, de sa terre, de ses eaux et de ses vents. Je l’ai parcourue de mes pieds ,de mes mains et de mon corps le jour, poursuivant inlassablement cet échange charnel la nuit en rêve. Le temps de l’enfance était dans l’île du bonheur.
Le titre du roman vient de l’éponyme Fuku-shima — l’île bonheur— , hazard ou synchronicité, il y a là une charge symbolique très forte, un avertissement, encore faudrait-il que ces « signaux » soient écoutés pour être utile. La symbolique est transposable, dans l’absolu tout relatif, l’île du bonheur, ce serait la terre, et la Corse dans sa double signification; symbole du bonheur possible et du bonheur perdue à jamais. Île du bonheur et île d’Avalon ne sont-elles pas toutes deux des utopies? Si vous vouliez dire par là que je suis un utopiste, ce ne serait pas faux, il y a même des utopistes pessimistes et des utopistes optimistes. Etre îlien pourrait-il conduire à un syndrome Avalon ? La fuite mythique ?
- Quel est votre sentiment sur ce monde qui se met en place ? :
En tout et pour tout, si je ne m’abuse, le Japon est resté protégé du monde extérieur durant deux périodes
s’étalant sur 750 ans, le plus extraordinaire est que cela n’aurait jamais eu lieu sans une double synchronicité
ou heureux hasards ; à deux reprises, de puissant typhons ont balayé les armadas sino-mongols dont les milliers
de navires avaient été construit à la hâte. Cette suspension historique quasi miraculeuse ainsi que la nature
ambivalente de leur terre a permis aux japonais de développer dans leur culture des antidotes— il y a des
antidotes à quelque chose ainsi que des toxicités dans toutes les cultures —au monde qui semble vouloir se
mettre en place et ce par le lien à la nature et aux éléments, la spiritualité de la matière, le rapport au temps, au
vide et à la mort, la capacité d’intelligence collective. Je disais, mais c’était avant Fukushima, que si il y avait un
peuple susceptible de survivre à 3000 ans de voyage interstellaire, confinés dans un vaisseaux, ce serait bien
les japonais, la plupart des autres s’étriperaient assez rapidement. Le Japon après avoir échappé si longtemps
aux monothéismes et aux empires a été contraint de rejoindre le cours de l’histoire et le rythme infernal des
nations à la mise sur le marché des premiers navires de guerre à vapeur, en 1853, l’armada américaine sous le
commandement de Perry forcera l’archipel à s’ouvrir au monde, c’est pas si vieux. La rencontre des deux
mondes, l’entité Japon et « les temps modernes » a été fulgurante et explosive. Ce à quoi nous assistons
aujourd’hui est notre création. Le matérialisme dogmatique et la culture doxa mainstream a déjà préfabriqué cet
homme soi-disant augmenté qui ne sera plus qu’une poupée désarticulée et le monde transhumaniste de type
féodal qui le régira avec délice. A quitter ses bases, ses fondamentaux, l’on fini par flotter en l’air comme un
ballon et l’on est à la merci du premier fou qui vous propose de vous arrimer avec son bout de ficelle.
ITV réalisée à la sortie du livre L'île du bonheur de Daniel Natalini