MEDIA CORSICA
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Érosion du littoral en Corse : "L'impact du changement climatique va devenir très visible"
La Corse semble ne pas se soucier de cette montée des eaux associée à l'érosion, comme si il suffisait de ne pas s'inquiéter pour être tranquilles ! Cet article explique une partie des problèmes dans lesquels nous sommes, nous avec nos plus de 1000 km de côtes !
Par Marie Stouvenot Julie Mugica, ingénieure du littoral au bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), évoque les scénarios possibles pour endiguer l'érosion du littoral dans des zones à risques.
La plage de la Marana, en Haute-Corse, est notamment touchée par le phénomène d'érosion depuis plusieurs années.
1- Plages englouties, habitations menacées : l'érosion et la submersion marine abrasent le littoral corse
2- Érosion du littoral en Corse : "L'impact du changement climatique va devenir très visible"
Qu'est-ce que le phénomène d'érosion du littoral ?
Par nature, les plages sableuses ou à galets sont mobiles. Les sédiments bougent au gré des courants marins, sous l'effet des vagues et du vent. Selon la saison, selon les conditions de météo marines, les sédiments sont exportés au large ou ramenés vers le rivage. L'érosion est caractérisée par une perte de sédiments sur la plage.
"Souvent ce sont des causes locales"
Ce phénomène est-il accentué par le changement climatique ?
L'érosion peut être amplifiée par les activités humaines. Les actions menées sur les cours d'eau vont perturber cette ressource de sédiments, qui va donc arriver en moins grande quantité sur les plages. Toutes les opérations, notamment urbanistiques, effectuées sur les dunes auront aussi un effet négatif dans certains cas. Cependant, aujourd'hui, on ne peut pas distinguer l'impact des phénomènes anthropiques de l'impact du changement climatique. Nos données ne nous le permettent pas encore. Pour autant, il est certain que dans les années à venir, son impact va devenir visible, très visible.
Certaines parties du littoral sont plus touchées que d'autres. Pourquoi ?
Il y a une grande variabilité temporelle dans l'évolution du littoral sableux. On peut avoir plusieurs années en recul et plusieurs années en avancées. Il y a aussi une grande variabilité spatiale. Si l'on regarde la plaine orientale, il y a des secteurs relativement stables et d'autres en érosion. Souvent, ce sont donc des causes locales. Par exemple, lors d'une tempête, les grandes vagues seront à l'origine d'export de sable depuis le rivage. Si des infrastructures se trouvent à cet endroit, voire en arrière des dunes, elles peuvent être endommagées.
Dans l'urgence, on a tendance à mettre des infrastructures en dur : des enrochements, des murs en béton, etc. Celles-ci peuvent avoir une efficacité pendant un certain temps mais vont cependant générer une intensification de l'érosion de part et d'autre de l'ouvrage. Ensuite, il faut également avoir en tête que celui-ci a une durée de vie. À cause des vagues, le sable va être exporté vers le large et l'ouvrage va être lui-même affecté et dégradé par les tempêtes suivantes. Donc il faut prévoir des coûts d'entretien à moyen et long terme.
Différentes communes prennent des mesures spécifiques pour tenter d'endiguer le phénomène d'érosion sur leurs plages. Comment choisir la bonne méthode ?
De manière générale, comme je l'évoquais, on intervient souvent dans l'urgence, sans envisager toutes les solutions possibles. On prend des décisions sans prendre en compte tous les critères : efficacité, pérennité, coûts, impacts environnementaux, paysagers, patrimoniaux, faisabilité réglementaire, etc.
En général il est recommandé d'étudier plusieurs types de scénario. La référence est d'abord : que se passe-t-il si l'on ne fait rien ? Ensuite il y a la lutte active : on veut protéger à tout prix les enjeux qui sont derrière et on va mettre en place des solutions dures comme des enrochements.
Il y a aussi les solutions qui vont accompagner les processus naturels. Celles-ci ne sont pas adaptables partout mais sont généralement moins coûteuses. Elles ont aussi moins d'impact sur l'environnement à proximité car, généralement, elles sont réversibles. Enfin il y a la recomposition spatiale. Concrètement, cela consiste à déplacer les bâtiments qui sont menacés. En définitive, les décideurs ont la possibilité de faire leur choix en termes d'aménagement du territoire après étude des différents scénarios. Mais cela prend du temps.
De notre côté, nous préconisons de mettre en place des solutions de protection temporaires avec des suivis appropriés pour pouvoir faire des ajustements. Cela permet de prendre le temps de faire ces études pour gérer de manière durable l'environnement littoral. Ça ne se réfléchit d'ailleurs pas à l'échelle d'une parcelle. Mais de manière plus globale.
Il faudrait alors mettre en place une stratégie régionale ?
Oui, celle-ci définirait de grands principes de gestion de la zone côtière, comme un guide, qui pourra ensuite être appliqué et adapté au cas par cas, à échelles locales.