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“vassalisation heureuse”

« Après la “mondialisation heureuse”, nous pourrions assister à un phénomène étrange en Europe : la “vassalisation heureuse” »

 

Gilles Gressani, directeur de la revue « Le Grand Continent », spécialiste en géopolitique, analyse, dans une tribune au « Monde », les conséquences des ambitions impérialistes de Donald Trump, qui entreprend de « refaçonner l’Occident » pour faire des Etats-Unis le seul Etat souverain. 
 

 

Oui, on parle beaucoup de Trump en ce moment, venant de la première puissance mondiale, on peut se poser des questions face à un allié qui rompt tous ses liens avec ses voisins les plus proches...
Que se passe-t-il ? Les USA veulent être les bannis des démocraties ?
Quel message envoient-ils à leurs alliés ?
On ne peut plus avoir confiance en eux, c'est le message que DT vient d'envoyer à tous !
Croit-il qu'il peut continuer sa stratégie ainsi ?

Contrairement à 2017, Donald Trump a un plan plus radical, mieux défini. En s’appuyant sur la coalition qui l’a porté au pouvoir, en alliant les laissés-pour-compte d’une société cassée aux oligarques de la Silicon Valley, le président des Etats-Unis est en train de mener une profonde consolidation impériale. Washington ne deviendrait pas la capitale d’une Amérique isolationniste, mais le centre rayonnant d’un grand espace. La frontière s’ouvre : du Panama à la planète Mars, en passant par le Groenland. La géopolitique est de retour à la Maison Blanche.

Dans un élan et une ambition qui détonnent par rapport au débat asphyxié de nos espaces politiques, Donald Trump évoque la « destinée manifeste », signe des dizaines de décrets exécutifs, promet l’expulsion de plusieurs millions de sans-papiers, annonce un plan d’investissement faramineux pour gagner la course à l’intelligence artificielle, et lance un même coin [une cryptomonnaie] à son effigie qui démultiplie sa fortune.
Oui en ce moment il a les pleins pouvoirs grâce à son parti, mais il commence à y avoir des brèches. Déjà il heurte ses deux voisins, Mexique et Canada. Ces pays déjà vont mettre en place des meures de rétorsion. 
Les prochains indices commerciaux vont vite rappeler à l'ordre les Trump et Musk ! 
Ils devraient s'interroger sur quoi repose leur fortune...

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/23/apres-la-mondialisation-heureuse-nous-pourrions-assister-a-un-phenomene-etrange-en-europe-la-vassalisation-heureuse_6512452_3232.html 

Contrairement à 2017, Donald Trump a un plan plus radical, mieux défini. En s’appuyant sur la coalition qui l’a porté au pouvoir, en alliant les laissés-pour-compte d’une société cassée aux oligarques de la Silicon Valley, le président des Etats-Unis est en train de mener une profonde consolidation impériale. Washington ne deviendrait pas la capitale d’une Amérique isolationniste, mais le centre rayonnant d’un grand espace. La frontière s’ouvre : du Panama à la planète Mars, en passant par le Groenland. La géopolitique est de retour à la Maison Blanche.

Dans un élan et une ambition qui détonnent par rapport au débat asphyxié de nos espaces politiques, Donald Trump évoque la « destinée manifeste », signe des dizaines de décrets exécutifs, promet l’expulsion de plusieurs millions de sans-papiers, annonce un plan d’investissement faramineux pour gagner la course à l’intelligence artificielle, et lance un meme coin [une cryptomonnaie] à son effigie qui démultiplie sa fortune.

Au Capitole, dans une cérémonie aux airs de sacre, rendue inédite par la présence pour la première fois de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement étrangers, il déclare : « Mon message aux Américains aujourd’hui est qu’il est temps pour nous d’agir à nouveau avec le courage, la vigueur et la vitalité de la plus grande civilisation de l’histoire. »

Porter le trumpisme sur Mars

Il est facile d’être pris de court par la force de cette mise en scène. Nous devons toutefois chercher à comprendre ce qui se joue, sans déférence ni fatalisme. Sur le plan interne, la matrice politique du nouveau trumpisme s’appuie sur une nouvelle forme de césarisme profondément influencée par le numérique, sa culture, son infrastructure et ses modèles économiques radicalement monopolistiques.

Dans ce nouveau régime, l’innovation technologique et l’extrême concentration de la richesse sont articulées à un souverainisme expansif, militarisé et à une politique agressive de protection identitaire. Dans l’intention de Donald Trump et des élites qui participent à la consolidation de cette doctrine – que nous pourrions appeler « technocésarisme » –, il faut accompagner la transformation d’une république redondante et inefficace en un empire organisé pour faire passer l’Amérique à l’échelle.

Sur le plan externe, ce projet profondément révisionniste s’articule en deux temps. Il s’agit d’abord de refaçonner l’Occident pour qu’il ne reste plus qu’une seule entité dotée de souveraineté : les Etats-Unis.

Fondant sa puissance sur une domination sans partage des domaines militaire et numérique, qui fusionnent d’une manière toujours plus évidente, Donald Trump entreprend de transformer l’OTAN en une sorte de pacte de Varsovie, en neutralisant toute poche de souveraineté concurrente résiduelle. Qu’il s’agisse des positions européennes sur l’espace public numérique ou sur le climat, jusqu’aux prétentions territoriales d’alliés pourtant fidèles comme le Danemark, il vise à empêcher toute autonomie réelle. Il s’agira alors de projeter à l’échelle planétaire cet Occident consolidé, et enfin intégralement aligné sur les intérêts de la métropole, en neutralisant la Chine, la seule puissance qui pourrait menacer l’hégémonie américaine.

Dans cette stratégie, Elon Musk joue un rôle pivot. Sur le plan interne, l’homme le plus riche du monde est le moteur du technocésarisme, qu’il incarne dans sa vision futuriste d’une civilisation multiplanétaire portant le trumpisme sur Mars.

Sur le plan externe, le propriétaire de X est devenu le capitaine d’une nouvelle compagnie des Indes, installée au sein du gouvernement fédéral, censée permettre à Washington de s’approvisionner en données – la soie et les épices de notre temps – tout en imposant sa domination aux divers peuples d’Asie, d’Afrique et, surtout, d’Europe. Avec un objectif : remplacer des adversaires potentiels par des affidés affaiblis et alignés.

Ce projet impérial change de signe à la mondialisation, sans l’arrêter. La circulation des personnes, de l’information et des biens atteint un niveau sans précédent et reste, de manière parfois contradictoire, dans l’intérêt de la coalition trumpiste. C’est la phase libérale de la mondialisation – structurée par l’ouverture, l’horizontalité, la fin des frontières – que Washington cherche à boucler définitivement.

Ce nouveau trumpisme impérial propose d’offrir une solution technocésariste aux crises et aux contradictions qu’elle a engendrées : économique, d’abord, avec des inégalités qui ont écartelé de l’intérieur nos systèmes politiques. Une crise de l’autonomie du politique, ensuite, de l’efficacité de l’Etat empêtré entre réformes impossibles, poussées technocratiques, inconséquences stratégiques et indécision. Une crise idéologique et anthropologique, enfin, liée aux chocs des modes de vie face à une culture centrifuge incapable de reconnaître et d’impliquer les masses des espaces périphériques.

Obéir ou réagir

Après la « mondialisation heureuse », nous pourrions assister à un phénomène étrange en Europe. Avec Le Grand Continent [revue de géopolitique fondée en 2019, dont l’auteur de ce texte est directeur de publication], nous avons proposé de le désigner par une nouvelle notion : « vassalisation heureuse ».

La vassalisation heureuse passe par un deal particulièrement troublant, tant l’échange paraît asymétrique, transactionnel et unilatéral : l’obéissance et le refus de toute autonomie, en échange d’une forme de protection contre l’agression impériale. Dans le vertige des transformations radicales que nous devrions accompagner, cet alignement promet une forme de stabilité à des systèmes politiques sans cap, au prix d’une victime collatérale : notre souveraineté.

Pour parvenir à installer ce régime, Trump et Musk ont un obstacle externe : la France et l’Union européenne. C’est pour cela qu’ils cherchent aujourd’hui à nous faire croire à l’inéluctabilité de leur projet, en nous faisant douter de notre force et de notre puissance. Cela convient bien à un système définitivement convaincu de l’inévitabilité de son décrochage et incapable de réagir, préférant se résigner à une agonie pourvu qu’elle soit lente, promettant à une dernière génération de profiter de ce qui reste des dividendes de la paix. Nous sommes comme un lapin hypnotisé par les phares d’un véhicule.

Les Etats-Unis de Donald Trump ne sont toutefois pas encore la Russie de Poutine. La démocratie américaine est dotée de contre-pouvoirs et dispose de capacités d’action. Les contradictions internes à la coalition trumpiste sont nombreuses – et la consolidation impériale est loin d’être aboutie. Il s’agirait de comprendre stratégiquement le rôle historique de l’Europe. Ce petit cap d’Asie pourrait aujourd’hui se donner cet objectif : protéger la démocratie en Amérique et propulser l’idée républicaine au XXIe siècle.

Face aux tentations de la vassalisation heureuse, l’Europe reviendra-t-elle un jour ou assisterons-nous passivement à sa marginalisation totale ? Donald Trump et Elon Musk sont en train de construire un projet impérial — mais, comme le disait le boxeur américain Mike Tyson, « tout le monde a un plan, jusqu’à ce qu’il reçoive la première droite dans la figure ».

Gilles Gressani, président du Groupe d’études géopolitiques de l’Ecole normale supérieure, dirige la revue Le Grand Continent.

Este artículo, publicado originalmente en Le Monde, se reproduce al amparo de lo establecido en la legislación nacional e internacional (ver cobertura legal).

Nota informativa: Le Monde es un periódico francés editado en París. Fue fundado en 1944 por el periodista Hubert Beuve-Méry. Tiene implementado un «muro de pago» por lo que es necesario suscribirse para tener acceso a todos sus contenidos. Más información en su página de suscripción.

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