MEDIA CORSICA
Bernardu Pazzoni
Vit à Ajaccio
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Docteur de l'Université de Corse, "Grand prix Jean Ambrosi" ; "Lenzulone" Accademia Corsa de Nice
Responsable ("foundator" Conservateur du Patrimoine) Phonothèque du musée de la Corse.(Corti) International Dance Council CID (Athènes-Paris) et Sacem.
Musicien-Chercheur.(violon, Cetara, urganettu) en Musiques et traditions orales. Gruppu L'ANFARTI et "Corse-Musicothérapie"
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La question d’enregistrer des sons, la marotte de l’enregistrement m’a été donnée au départ, par l’exemple de mon cousin germain Gérard Koch-Pazzoni. En effet à Belgudè, il avait enregistré des personnes de la famille, du village, beaucoup d’histoires et de conversations, mais pas d’instruments de musique (1976/1979).
Les seuls chants traditionnels entendus dès l’enfance, étaient « a tribbiera » par mon père Ambroggiu Pazzoni, ma grand-mère Martina Pazzoni (berceuse « ciucciarella ») et par un voisin Antone Mancini, chevrier à Belgudè, de notre maison familiale « ind’è u Fondu ». Ce terme est important pour moi car il va se retrouver dans la dénomination du « fondu Quilici » dont nous parlerons plus tard. « a casa di U Fondu » est une maison où les hommes du village viennent se faire couper les cheveux, discutent, racontent des histoires de chasse, et les femmes viennent se faire tirer les cartes pour voir plus clair dans leur vie . J’y ai vu préparer « e frappe », « a suppa », « e mirzane farzite » in a cucina.
Les murs d’ « U Saluttellu » ont entendu des milliers d’histoires , de « stalvatoghji », des expressions, des accents corses anciens, des sonorités antiques… Une photo familiale : Ghjasippina PAZZONI, Gérard KOCH-PAZZONI, Martina PAZZONI (née COLONNA), et Bernardu PAZZONI (devant la porte d’entrée qu’il a faite sculptée de motifs floraux).
Un beau jour de 1979, le téléphone sonne chez mes parents, et une amie de la famille, Mme Irène Acquaviva-Demoustier insiste et nous invite à une conférence d’un certain Félix Quilici à propos des chants traditionnels, au couvent d’Alzipratu. Il parait qu’il a sillonné toute la Corse avec son magnétophone et a enregistré des kilomètres de bandes magnétiques ! cette information fait tilt dans la famille où nous avons toujours vu notre cousin Gérard enregistrer les oiseaux, les bruits du village , de personnes aussi , faire des photos etc.
Nous y allons donc, et c’est au cours de cette conférence que je fais connaissance avec Félix Quilici. La sonorité du chant de A Tribbiera et surtout celle des musiques des violoneux corses attire d’abord mon attention et la nuit suivante j’y pense beaucoup. Ce n’est que quelques jours après que j’entends parler pour la première fois mon oncle Michel d’un cousin d’Olmi-Cappella (I Purcili plus précisémént) surnommé « Feffu », Ghjaseppu Pazzoni, qui jouait de plusieurs instruments : accordéon diatonique, violon, mandoline . Il aurait même fabriqué quelques instruments. Un an après, un article dans le journal crée en moi un choc émotionnel : M. Félix Quilici a eu un accident de voiture, en marche arrière, à Bastia. Il n’y a donc plus personne pour récolter les chants corses authentiques. A’ partir de ce jour (été 1980), sans perdre de vue mon désir d’enseigner un jour la philosophie, je décide de continuer le travail de F. Quilici en commençant par retrouver son fameux carnet où il avait consigné les noms de personnes qui lui restait à enregistrer, pour sillonner les village à mon tour. Je n’ai jamais retrouvé ce carnet, et bien sûr à 16 ans, étant très timide, je ne savais comment contacter la famille Quilici à Paris...
Je continue de questionner mon père et mon oncle à propos de mon ancêtre-musicien, Ghjaseppu Pazzoni, dit « Feffu », mais aucune musique ne leur vient en mémoire...
Mon père se rappelle d’une valse que jouait le violoneux de Belgudè : « Manuellu « de la famille Marchesi. La même année, vient à la maison mon cousin Xavier Giovannetti-Pazzoni, neveu de « Feffu », qui joue très bien de la guitare et a appris une « mazurca » auprès de son oncle « Feffu » violoneux-mandoliniste. Je décide d’apprendre à jouer du violon, et de la mandoline. Il me passe un enregistrement fait au bar des amis à Olmi-Cappella , où le violoneux Roger Squarcioni joue les danses corses anciennes et où il joue cette mazurca à la guitare...
Les investigations commencent. Je ne savais pas que je venais de suivre un fil invisible qui nous relie aux traditions ancestrales… Quelques temps plus tard, j’assiste à une pièce de théâtre, où je réentends le son des violoneux corses : à la fin je demande d’où vient cette musique... c’est un disque du groupe « Canta u Populu Corsu », je l’achète donc à Bastia…
En 1980 a lieu à Corti, le fameux festival international , où joue celui qu’on considère comme le dernier violoneux vivant : Premier collectage, c’est celui effectué au Festivale Internaziunale di Corti , après avoir entendu un passage dans une pièce de théâtre , puis écouté les morceaux de violon traditionnel sur 1er disque de Canta U Populu Corsu « Eri, Oghje, Dumane », j’assiste ,en compagnie de mon cousin Gérard Koch qui fera l’enregistrement sur cassette, à la prestation sur scène et sous chapiteau de Felice-Antone Guelfucci , au violon , accompagné au violon par Minicale ,et à la guitare par les Frères Maï et Ceccè Pesce. C’est la première fois que j’entends du » violon traditionnel corse » in situ, c’est–à–dire sans l’intermédiaire de l’enregistrement. Ce jour là est une révélation, j’observe le coup d’archet, la tenue du violon, la personnalité du « violoneux » j’entends un son particulier , et une musique quasi inconnue à mes oreilles de 16 ans.
Cet enregistrement a constitué la base d’un travail pratique au violon et d’écoute (des centaines de fois) de toute une année ou presque, jusqu’au jour où j’ai fait moi-même un premier collectage chez Felice-Antone Guelfucci, chez lui à Sermanu. Nous montons, un jour pluvieux, avec mon père car je ne conduisais pas alors. Nous sommes reçus par l’épouse de Felice-Antone Guelfucci qui nous dit de nous asseoir, autour de la cheminée et nous présente son mari le violoneux que j’avais vu en situation de concert au Festivale Internaziunale di Corti de 1980. Ici, chez lui c’est un autre personnage, un peu réservé…