MEDIA CORSICA
Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique de la mer, à Montpellier
le 3 décembre 2019. Publié le 3 décembre 2019 à 10h20
Intervenant : Emmanuel Macron - Président de la République Circonstance : Assises de l'économie maritime
Mesdames, Messieurs les ministres,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Monsieur le Chef d'état-major de la Marine,
Messieurs les Préfets, Préfets maritimes,
Monsieur le Secrétaire général de la mer,
Cher Frédéric Moncany, cher Louis Echelard,
Mesdames et Messieurs, chers Amis,
Je suis très heureux comme vous l'avez compris d'être parmi vous ce matin en cette belle ville de Montpellier avant de
rejoindre Londres pour un sommet de l'OTAN et de pouvoir à vos côtés ouvrir ces assises de l'économie de la mer et de
tout à la fois tenir l'engagement pris auprès des membres du cluster maritime il y a un an à l'Elysée et être présent une
fois encore dans cette belle ville de notre Méditerranée. Et avoir cette réflexion, ce travail, cet engagement collectif que
vous venez d'annoncer et que vous allez décliner sur ces rives qui non seulement jouent un rôle essentiel pour deux de
nos grandes régions, tout le territoire français, pour notre continent mais aussi pour repenser les relations entre la France
et l'Afrique. C'est reconnaître la part maritime de notre destin et j'y reviendrai à plusieurs reprises.
Quand on considère notre histoire sur le long cours, la France a alternativement embrassé sa réalité maritime ou lui a tourné le dos. À chaque fois qu'elle lui a tourné le dos elle s'est trompée. À chaque fois qu'elle a tourné le dos à ce destin en voulant embrasser des obsessions plus continentales, en refusant de voir qu'elle était une puissance maritime, en ayant peur du grand large, en révoquant l'Edit de Nantes qui participe d'ailleurs de cet esprit elle a reculé. À chaque fois qu'elle s'est assumée comme puissance maritime, embrassant tout à la fois le grand large de l'océan et la Méditerranée elle a su conquérir de nouveaux espaces, être une puissance tout à la fois du savoir et de la géopolitique. Et donc penser notre pays comme une puissance, penser sa projection dans le monde, la manière de penser le monde et de nous y voir c'est aussi penser notre rapport à la mer et notre capacité à assumer notre géographie dans toutes ses composantes, hexagonales et ultramarines, et à en décliner si je puis dire toutes les conséquences, embrasser pleinement ce destin.
C'est pourquoi je suis venu ici vous dire très concrètement notre ambition, nos objectifs et les moyens que nous mettons en œuvre avec le Premier ministre, l'ensemble du gouvernement, son équipage si je puis dire pour que ce destin maritime soit aujourd'hui pleinement embrassé et que nous soyons au rendez-vous qui doit être le nôtre pour le siècle qui s'ouvre. D'abord et avant toute chose, et ce sera mon premier point, les marins le savent, pour agir efficacement il faut un diagnostic et une vision solide. La vision maritime que la France doit développer est claire. Avant d'être un espace de compétition entre les Etats, avant d'être le canal des échanges de biens, de services et d'informations entre les hommes, avant même de constituer un imaginaire inépuisable pour les poètes, les artistes, l'océan est un bien commun de l'humanité - la mare nostrum qu'on évoque ici à Montpellier pour désigner la Méditerranée - un bien placé sous notre responsabilité collective et individuelle de la haute mer aux eaux territoriales. Et je veillerai à ce que la France soit à l'avant-garde dans les instances internationales ad hoc pour la défense et la protection des océans. L'occasion du prochain Congrès mondial de la nature en juin 2020 à Marseille devra ainsi être l'occasion pleinement saisie par les Etats pour promouvoir l'océan comme bien commun. Et cela doit être un bien commun parce que les chiffres le montrent, et c'est l'enjeu duquel il faut partir. L'océan c'est en effet le sanctuaire de notre biodiversité et je n'ai pas ici besoin de dire combien elle est décisive dans l'équilibre de nos écosystèmes. C'est un trésor infini de faune et de flore qui pour une part importante d'ailleurs nous est encore inconnu. Et donc il y a ce que nous savons et il y a encore ce qui est à savoir et j'y reviendrai dans un instant parce que quand je parle de bien commun pour moi c'est un bien commun connu et à défricher. C'est la ressource halieutique qui grâce à la pêche constitue le premier apport en protéines pour 1 milliard de femmes et d'hommes, 1 milliard, et qui est encore à progresser. Et c'est un lieu où il nous faut, et la France est à cet égard à l'avant garde et j'y reviendrai, concilier ces objectifs et ces usages : la préservation de la biodiversité et la nécessité de nourrir la planète. Et les efforts, d'ailleurs là aussi j'y reviendrai, que nous avons su faire montrent que c'est possible.
C'est également nos océans une réserve absolue de trésors et d'opportunités qu'il nous faut aujourd'hui savoir tempérer si je puis m'exprimer ainsi. Voyez, 84 % de nos minerais sont dans nos océans, formidables réservoirs là aussi de recherche, de matières premières dont il nous faut organiser à la fois la connaissance et l'extraction de manière compatible avec les autres activités, avec la recherche et la préservation de la biodiversité. Mais c'est aussi 90 % des réserves d'hydrocarbures ce qui est, si je puis dire, pour les années, les décennies à venir, une bonne partie du problème et les tentations seront multiples de ne voir que les zones économiques exclusives comme des potentiels de nouvelles explorations et exploitations. La France à cet égard a pris ses responsabilités en considérant que l'importance de ce bien commun, la nécessité de préserver la biodiversité, la lutte contre les émissions justifiait de stopper justement les nouveaux projets. Mais il nous faudra convaincre d'autres partenaires qui sont en train aujourd'hui d'ouvrir de nouveaux chantiers. C'est aussi et à mes yeux plus encore une source formidable d'énergies renouvelables avec des potentialités qui sont encore à découvrir. C'est une source formidable de recherche, j'y reviendrai dans un instant.
Notre civilisation ne vit que grâce à l'océan, à ce que l'on appelle parfois l'or bleu. L'oxygène que nous respirons, l'océan en produit plus de la moitié. Le stockage du carbone qui permet de réguler le climat, de freiner le réchauffement, l'océan toujours constitue le premier puits de carbone du monde. L'océan n'est donc pas seulement l'arrière-plan si je puis dire des cartes postales ou ce que les Français ont dans le dos lorsqu'ils regardent la plage. Non, c'est véritablement le poumon de l'humanité, un trésor de l'humanité. Et cette vérité qui peut paraître simple est à rappeler parce qu'elle implique des décisions structurantes sur le plan de la recherche, de l'organisation internationale pour les années à venir. Pour une raison simple : parce que ce poumon menace aujourd'hui de s'étouffer. Parce que lorsque je regarde ce qui est à l'œuvre dans nos océans, nos mers, la situation est grave. L'acidification mine la biodiversité, on le mesure simplement, je parle sous le contrôle des chercheurs ici présents, chère Françoise vous me l'avez expliqué lorsque nous étions il y a quelques semaines ensemble à Grande glorieuse, on le voit par la destruction des coraux. Le réchauffement des eaux qui dérègle le cycle du carbone conduit quant à lui à l'élévation du niveau de la mer. Les déchets s'y accumulent et mettent en danger la faune marine. Acidification, réchauffement, multiplication des déchets, on le voit les nuages s'amoncellent qui sont autant de signes de l'urgence d'agir. C'est simple : protéger l'océan est un impératif au moins aussi grand que celui de la préservation de l'Amazonie qui est notre autre poumon, le poumon vert. Ces combats sont jumeaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique et en matière de lutte pour la biodiversité et ce sont deux combats essentiels sur lesquels la France s'engagera profondément. Il y a urgence à agir et ce n'est d'ailleurs pas que la France qui l'affirme. C'est le GIEC, dans un rapport rendu en septembre dernier avec beaucoup de clarté, et ce sont les Nations Unies, qui ont fait de cette décennie celle des recherches sur les océans car pour protéger ce bien commun encore faut-il le connaître précisément, intimement. De ce savoir charnel que cultivent les marins mais de ce savoir aussi de plus en plus scientifique qu'il nous faut développer. Connaître pour protéger.
Et lorsque je parle de bien commun c'est aussi l'engagement ici que je veux prendre devant vous. En effet les échanges entre l'océan et l'atmosphère jouent un rôle crucial dans la régulation de notre climat. Je viens de rappeler quelques réalités mais le fonctionnement de ces gigantesques courants thermohalins qui redistribuent la chaleur sur le globe terrestre, le suivi de la fonte des glaces arctiques sont autant de données essentielles à la compréhension de la dynamique du changement climatique, à la survenue de phénomènes extrêmes qui y sont liés. Qu'il s'agisse de la sécheresse au Sahel, des cyclones tropicaux, de la submersion des côtes et des problématiques d'érosion côtière et de trait côtier que nous connaissons bien en France hexagonale comme ultramarine et chez beaucoup de nos partenaires, et je sais les travaux aujourd'hui rendus et qui conduiront la ministre à prendre sur ce sujet des décisions structurantes, qu'il s'agisse de la crise des sargasses que nous avons à vivre et qui frappe aux Caraïbes de manière de plus en plus régulière, ce sont les symptômes de ces phénomènes complexes qu'il nous faut mieux comprendre pour pouvoir y répondre. Les richesses naturelles de l'océan sont autant de pistes aussi pour alimenter la planète, pour fournir à l'humanité de nouvelles ressources biologiques ou minérales. Et la question qui nous est aujourd'hui posée, c'est comment exploiter durablement ces ressources alimentaires, minérales, énergétiques ou biologiques sans compromettre l'équilibre fragile des écosystèmes océaniques. Il nous faut pour cela résolument explorer ces processus, documenter les écosystèmes naturels les mieux préservés. Et c'est à cet égard le sens de la station de recherche qui sera installée sur les Îles Eparses dès l'année prochaine conformément à l'engagement que j'ai pris il y a quelques semaines. Et c'est aussi cela qui nous a conduits, qui nous conduira à encourager encore davantage l'ensemble des expéditions et des travaux qui sont menés.
Je pense par exemple à la récente expédition de Tara soulignant le blanchissement massif justement des coraux et les travaux essentiels pour mieux comprendre et documenter les risques, les évolutions et pouvoir y répondre. Il convient de les apprécier simultanément sur l'ensemble de la surface océanique et c'est notamment l'objectif des travaux conduits par les équipes embarquées sur notre flotte océanographique réorganisée récemment sous le pilotage unique de l'Ifremer. C'est également le rôle des réseaux d'observation littoraux qui jalonnent nos côtes, des réseaux de bouées d'observation d'Argo, plus de 7000, que nous partageons avec de nombreux partenaires internationaux dont les Etats-Unis. Cet avenir commun, la recherche nous permet de le décrypter mais également de le construire. Cette recherche doit être soutenue. C'est pour cette raison que j'ai demandé au ministre des transitions et de la recherche et au secrétariat général pour l'investissement de lancer un programme prioritaire de recherche "océans et climat".
Ce programme prioritaire de recherche aura pour but d'accentuer la mobilisation des compétences reconnues de notre communauté scientifique. Il sera piloté conjointement par le CNRS et l'Ifremer. Il devra renforcer les domaines de recherche les plus cruciaux pour la protection de nos océans et la lutte contre le changement climatique. Ce programme prioritaire de recherche préfigure les outils qui appuieront notre recherche dans le cadre de la loi de programmation de recherche qui sera présentée en tout début d'année prochaine et qui adjoindra justement les moyens adéquats à chacun de ces programmes et qui aura vocation à associer à cette dynamique la communauté scientifique internationale car pour ce bien commun la mobilisation ne peut être que mondiale. Il est en effet absolument nécessaire de mettre en commun les données, leur collecte et leur stockage ainsi que leur analyse pour répondre à cet enjeu planétaire qu'est la protection de l'océan. Cet enjeu de recherche, c'est évidemment un enjeu de meilleure connaissance, de protection de la biodiversité mais c'est un enjeu essentiel pour améliorer notre alimentation, la recherche médicale, mais les recherches aussi, je ne suis pas exhaustif, en matière d'acoustique ou de matériaux, car cette recherche sur le plan maritime irrigue d'autres champs de notre recherche dans bien d'autres domaines et est au cœur d'une interdisciplinarité essentielle. Notre avenir en dépend.
Les Nations unies ne s'y sont pas trompées en consacrant à l'océan un objectif du développement durable spécifique. Cette décennie est cruciale, et c'est tout le sens de la décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable 2021-2030, et nous serons au rendez-vous. Je souhaite aussi que ce bien commun soit protégé, à l'avenir, par un accord sur la haute mer sous l'égide des Nations unies, un accord qui permette de créer des aires protégées en haute mer, d'y imposer des études d'impacts pour certains projets et qui fasse du partage des données la norme. Cet objectif que nous partageons avec l'Union européenne, je souhaite qu'il puisse être atteint en 2020. L'océan est un bien commun, donc, et c'est pour moi le premier objectif et le premier pilier de cette stratégie que je voulais ici clarifier, assumer. Il est aussi, pour notre nation, une réalité dans sa chair, dans sa géographie, dans son quotidien.
C'est le deuxième axe de cette stratégie. Nul besoin ici de revenir sur des données que vous connaissez tous, mais tout de même. La France est la deuxième puissance maritime mondiale, la deuxième zone économique exclusive du monde, près de 11 millions de kilomètres carrés, une présence grâce aux territoires d'outre-mer, Madame la Ministre, sur tous les océans du globe, dans l'Atlantique avec la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le Pacifique avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna, Clipperton, dans l'océan Indien avec la Réunion et Mayotte, jusqu'en Antarctique avec la Terre Adélie, jusqu'aux confins de l'Arctique avec Saint-Pierre, que j'évoquais tout à l'heure pour l'Atlantique. Toutes les mers et tous les océans connaissent le territoire français. Par sa géographie héritée de son histoire, la France se trouve aux avant-postes des défis maritimes de notre planète. Sur le sujet de la biodiversité, vous savez combien le combat qui est le nôtre est une priorité qui n'est pas simplement internationale mais que nous déclinons aussi nationalement. Nous montrons l'exemple, puisque 24% de nos espaces maritimes sont protégés, contre 1% il y a seulement 10 ans. J'ai fixé l'objectif d'atteindre 30 % d'espaces maritimes protégés, dont un tiers en pleine naturalité d'ici 2022. Et c'est fort de cet engagement qu'avec l'Union européenne, nous portons aux Nations unies le projet d'une protection de la biodiversité en haute mer, que je viens d'évoquer.
Protéger la biodiversité, c'est par exemple, très concrètement, protéger les cétacés. Depuis cette année, les captures accidentelles doivent être déclarées. Je souhaite que cette obligation soit encore mieux suivie. J'ai aussi voulu que les dispositifs de dissuasion acoustique sur les chalutiers pélagiques soient généralisés dans le golfe de Gascogne dès l'année prochaine. Nous interdirons aussi d'approcher les cétacés à moins de 100 mètres dans les aires protégées pour qu'ils ne soient pas dérangés par les activités humaines.
Nous étudierons aussi la possibilité de créer une zone de réduction des vitesses des navires en mer Méditerranée pour limiter les collisions. C'est aussi protéger nos récifs coralliens. La France est le quatrième pays corallien au monde, un dixième de la surface corallienne du monde se trouve dans les eaux françaises. Aujourd'hui, nous protégeons deux tiers de nos récifs par des aires marines protégées dans lesquelles des activités sont interdites et contrôlées. Je veux, d'une part, que l'on renforce les contrôles dans ces aires, et d'autre part, que l'on protège les trois quarts de nos récifs en 2021 et la totalité en 2025. Ces décisions sont fortes, sont structurantes. Elles ont été prises parfois très récemment et sont en cours, et elles supposent l'engagement de tous nos marins. Et je veux ici, au-delà de rappeler l'importance comme je viens de faire de cette biodiversité et des décisions prises, dire que rien de tout cela ne serait possible sans les marins français et sans les pêcheurs. Notre pêche a fait un effort, ces dernières années et ces dernières décennies, inédit, qui montre que cette réconciliation des usages de la mer est possible. Je veux ici leur rendre hommage parce que c'est une activité qui, au quotidien, reste dure, aujourd'hui encore, à qui on a demandé, et j'y reviendrai là aussi, beaucoup d'investissements et de contraintes, mais qui a su comprendre que son avenir et son intérêt étaient dans cette préservation de la biodiversité, qui a su participer à ce travail de régénération des réserves halieutiques, en particulier en Méditerranée, quand ça a été nécessaire, qui a su participer et qui participe à tous ces efforts que je viens d'évoquer pour les récifs coralliens comme pour les cétacés et qui, aux côtés du gouvernement, a mené des batailles essentielles, en particulier contre la pêche électrique, activité qu'il fallait combattre parce qu'elle rendait inconciliable la préservation des réserves halieutiques, le respect de la biodiversité et l'activité durable de pêche. Je peux le dire ici, nous sommes une grande nation de pêche et une grande nation de protection de la biodiversité parce que nous avons des marins, des pêcheurs qui ont le sens des responsabilités et ont su faire ces efforts. J'entends souvent dire que ce n'est pas possible, ce n'est pas le cas. À l'échelle européenne, dès l'année prochaine, le respect des prélèvements de poissons garantira le renouvellement des réserves pour 90 % des stocks soumis à quotas. Et je voudrais vraiment, ici, dire aussi que sur ce sujet, la filière a su être au rendez-vous de la responsabilité et que le Ministre, à mi-décembre, quand il faudra négocier les prochains quotas, sera aussi au rendez-vous des responsabilités et aux côtés de nos pêcheurs sur ce point également.
Nous montrons l'exemple aussi lorsque nous limitons la production des déchets en légiférant pour l'économie circulaire et du recyclage. La fin des assiettes et gobelets en plastique à usage unique dès le 1er janvier 2020, comme nous l'avions déjà fait pour les sacs plastiques en 2015, c'est autant de déchets en moins pour nos océans, et ce combat est un combat essentiel, et nous le savons ô combien en mer Méditerranée, qui est frappée par ce fléau du plastique et des déchets. J'ai ainsi demandé au gouvernement de présenter lors du prochain comité interministériel de la mer, la semaine prochaine, une méthode et des engagements pour réduire considérablement l'apport des déchets plastiques dans les océans d'ici 2025 en complément des travaux qui sont portés par la loi.
Sur le sujet du climat et des émissions de gaz à effet de serre, nous agissons également au niveau national. Je ne reviens pas sur l'engagement reconnu de la France pour que l'accord de Paris soit appliqué et pour mobiliser la société civile autour de ces défis, dès décembre 2017, lors du One Planet Summit, mais je veux évoquer les avancées très concrètes que nous obtenons sur nos mers, notamment grâce à vous. Comment ne pas citer, vous l'avez évoqué tout à l'heure, président, l'engagement pris par les armateurs français en août dernier, à Biarritz, lors du G7, de promouvoir à l'OMI l'abaissement de la vitesse des navires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Engagement essentiel. Et je veux vraiment ici remercier et exprimer toute ma reconnaissance au cluster maritime français, aux armateurs de France, sans qui ce progrès n'aurait pas pu advenir lors du G7. Il fallait cet esprit de responsabilité. Vous avez su le prendre, donner l'exemple et engager ce faisant nos partenaires, et nous serons, là aussi, mettre la pression sur les autres.
Comment ne pas citer également le choix pionnier pris par CMA CGM de renoncer à explorer la route du Nord, ouverte par la fonte d'une partie de la banquise, pour ne pas ajouter de nouveaux facteurs de risque à la crise écologique ? Préservation de la biodiversité et en même temps continuité de la pêche, et en même temps compétitivité de notre économie, baisse des émissions de gaz à effet de serre et en même temps poursuite des échanges qui structurent notre monde. Au fond, ce que l'équipage France démontre par ses actions, c'est qu'il existe une voie pour concilier écologie et économie, une voie unissant préservation de l'océan et prospérité, développement de nos sociétés, une voie que nous devons tracer avec l'Union européenne pour qu'elle devienne une référence et entraîne l'organisation maritime internationale.
C'est pourquoi le troisième axe de cette stratégie, de cette feuille de route que je veux pour nous tous, est évidemment cette voie bleue de progrès à laquelle je crois profondément. Je crois que la France, qui peut s'appuyer, en plus de sa vaste zone économique exclusive, sur un formidable écosystème d'entreprises à 91 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 355.000 emplois, sur des formations d'excellence, sur une recherche scientifique de pointe, sur une passion de la mer très forte aussi parmi la population, que notre pays a tous les atouts pour être une figure de proue et pour entraîner l'Europe et le monde dans son sillage. Cette voie bleue, cette capacité à croître, c'est évidemment celle qui passe par notre pêche et nos pêcheurs. Je l'évoquais à l'instant en rappelant tous les efforts. Notre pêche s'est formidablement rénovée, réformée, je le disais, en acceptant les contraintes, en investissant profondément, et je veux ici dire et redire que nous continuerons d'être aux côtés de nos pêcheurs pour l'indispensable renouvellement de la flotte. Les investissements commencés, ils vont se décliner, et qu'il s'agisse de notre flotte hexagonale ou ultramarine, la France et l'Europe continueront d'être aux côtés de nos pêcheurs pour moderniser la flotte, qui est indispensable tout à la fois pour améliorer les conditions de vie au quotidien, pour répondre aux contraintes que nous posons nous-mêmes et pour participer de l'indispensable réduction des émissions de CO2. L'investissement est au rendez-vous, mais les combats seront multiples et je sais que les craintes sont aussi là. Les quotas seront défendus, dans l'esprit que j'évoquais à l'instant, par le ministre dans quelques semaines.
Les retraites seront examinées avec évidemment le plus grand intérêt et le respect pour les particularités de cette profession, des risques qui sont pris et des contraintes qu'elles portent. Je sais combien le Brexit suscite aujourd'hui d'angoisse, il suscite une angoisse qui est légitime parce que nos pêcheurs ont besoin des accords qui, aujourd'hui, existent avec nos amis britanniques pour accéder à leurs eaux. Alors je veux être simple et clair, le Brexit est une décision souveraine du peuple britannique. Il appartient aujourd'hui au gouvernement de mettre en oeuvre ces décisions, et nous verrons ce que les élections donneront. L'Europe a, elle, donné des échéances. Quelles que soient les modalités du Brexit, nous serons là pour défendre les intérêts de nos pêcheurs et pour trouver, dans la relation future, les bons accords qui permettront de garder les réalités économiques et ce que nous savons comme étant indispensable pour notre pêche. Nous serons là, le gouvernement et moi-même, et cette voie sera portée à l'Europe et dans la discussion avec nos amis britanniques.
Mais cette part que notre pêche représente, pêche mais aussi tous les métiers de la transformation, de la distribution, de la restauration et tout l'aval absolument indispensable de valorisation dont la France peut aussi être fière et qui permet de faire travailler toutes nos côtes, tous nos ports et a permis des spécialisations indispensables et une vraie excellence française, sa force, c'est d'avoir compris, et nous y reviendrons sans doute lors de notre débat, c'est d'avoir compris l'importance de la durabilité, de la traçabilité. C'est d'avoir compris le caractère essentiel du maintien des réserves halieutiques, le caractère essentiel des pratiques de pêche et des caractères de cette pêche, en luttant quand il le fallait, comme je l'évoquais, contre la pêche électrique, mais partout et sur tous nos territoires, et je pense tout particulièrement à nos territoires ultramarins, de savoir développer une pêche durable qui crée plus d'emplois, qui est plus respectueuse des écosystèmes et qui permet aussi, par des circuits courts bien organisés, d'apporter une alimentation de qualité à nos concitoyens. C'est cette voie qu'il nous faut poursuivre, c'est la voie de l'avenir, créatrice d'emplois, structurante pour la filière et qui est cohérente avec une stratégie de souveraineté alimentaire que nous poursuivons et que nous continuerons de poursuivre.
Je parlais de nos pêcheurs, mais je veux dire ici, en parlant de cette voie bleue, combien nos constructeurs, nos transporteurs, l'ensemble des marins sont évidemment essentiels, et combien, dans cette force économique qu'ils représentent, l'innovation et l'ensemble de l'action économique conduite est essentiel. Je veux ici saluer le travail de l'ensemble de la chaîne du transport maritime et fluvial pour justement bâtir cette force économique et écologique du XXIème siècle, dont nous avons besoin. Nous avons un savoir-faire et nous avons compris que la force de notre flotte, la production de nos navires, l'organisation de nos transports passe par justement notre capacité industrielle à répondre à ces défis écologiques. J'évoquais la réduction de la vitesse des navires.
Je veux aussi dire ici ma fierté de voir avec quelle détermination vous vous engagez pour vous tourner aussi vers des modes de propulsion plus propres. 10% de nos navires fonctionneront bientôt au GNL, le gaz naturel liquéfié, ce qui réduira en moyenne de 20% les émissions de CO2 de nos navires et de 80 % celles d'oxyde d'azote, et réduira presque à 0 les rejets d'oxyde de soufre et de particules fines. C'est l'effort de l'industrie française. Vous travaillez aussi, et il n'appartient pas au gouvernement de faire un choix technologique univoque, et nous le savons avec la ministre, vous travaillez et vous réfléchissez aussi à l'électrique, à l'hydrogène, à des énergies moins émettrices encore. Vous voulez faire plus, faire mieux, et je le sais, cela suppose des investissements lourds. Je suis ici venu vous dire que l'Etat sera au rendez-vous, que l'audace, l'innovation, nous entendons la soutenir et la libérer. L'Etat sera au rendez-vous pour continuer d'appuyer la filière industrielle, de l'appuyer à travers justement sa force c'est tous les acteurs qui participent de cette filière duale que nous assumons, Naval Group le sait ô combien, et nous sommes fiers d'être tout à la fois au rendez-vous, avec un tel groupe, du défi écologique et du défi militaire. Quand on voit la confiance que nos amis australiens nous font, la puissance que cela donne, la force que cela donne à nos chantiers, nous étions à Cherbourg il y a encore quelques mois pour le constater, c'est autant de force que cela nous permet de déployer dans l'innovation et dans ces nouvelles techniques, et nous continuerons de le faire en appuyant la filière dans toute sa cohérence.
L'Etat sera aussi au rendez-vous pour vous accompagner sur le plan fiscal en confortant les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour vous aider à investir, par les aides directes, et je salue avec confiance ici le remarquable travail engagé par le CORIMER, qui, depuis cette année, expertise les projets de la filière et facilite la mobilisation de l'ensemble des dispositifs de soutien à l'innovation existants. C'est un travail essentiel. C'est, depuis un peu plus d'un an, un énorme travail qui a été fait par toute la filière. Il a été fait en regardant, il faut bien le dire, avec collectivement beaucoup d'humilité, ce que faisaient les collègues de l'aéronautique, parce que nous avons là des décennies d'ancienneté. Mais il n'y a rien qui explique que nous ayons su structurer à ce point dans l'aéronautique et que, jusqu'à présent, nous ne l'ayons pas fait avec cette force d'intégration, d'intimité, avec l'ensemble des donneurs d'ordres et des sous-traitants, toutes les filières, tous les territoires, pour justement le monde maritime. C'est ce que le CORIMER, maintenant, fait avec beaucoup d'engagement, et c'est ce que l'Etat, à ses côtés, continuera de faire en donnant de la visibilité sur le plan industriel, sur le plan fiscal et sur le plan de la stratégie. C'est indispensable, et c'est, pour moi, une des grandes transformations des 12 derniers mois.
L'Etat sera aussi au rendez-vous pour équiper nos ports en conséquence et nos infrastructures, équiper nos ports pour les adapter au GNL et électrifier les quais. C'est un investissement indispensable et qui est parfaitement cohérent avec ce que je viens d'évoquer. Sur ce point, le fait que nous ne comptions pas sur notre sol de port à la mesure d'Anvers ou de Rotterdam, souvent perçu comme une faiblesse, doit constituer pour nous, au moment où nous sommes acteurs de ces changements, un atout. Je le dis ici sans espèce de naïveté ou de crédulité. C'est simplement que nous avons à bâtir les infrastructures du XXIème siècle et les connexions que j'évoquais. Et c'est une chance d'avoir été un peu en retard sur les infrastructures du XXème siècle, ça évite de les changer. Mais encore faut-il ne pas faire bégayer l'histoire, et donc être au rendez-vous des investissements dont nous avons besoin. Le Havre, Marseille, Dunkerque présentent des avantages qui peuvent en faire des ports modèles de ce que seront les ports écologiques de demain, équipés pour accueillir les navires du futur, reliés à leur hinterland par des moyens de transport de fret à faibles émissions de carbone. Pour ce faire, il est nécessaire que nos ports dégagent des marges de manœuvre pour investir. C'est tout l'objet de la politique de relance de l'économie portuaire menée par le gouvernement, initiée il y a deux ans, à vos côtés, par le Premier ministre. Et ici, je veux vous dire ma conviction.
La première, c'est cet investissement que nous devons collectivement faire dans quelques grands ports pour en faire des modèles du XXIème siècle, avec ces connexions, les adapter à la flotte du XXIème siècle et montrer que ce changement est possible. La deuxième, c'est qu'il nous faut beaucoup plus travailler sur les interconnexions entre le portuaire et le fluvial. À ce titre, ce que j'ai annoncé il y a quelques semaines dans la région des Hauts-de-France, à Nesles, avec la signature du pacte de financement permettant au canal Seine-Nord enfin de voir le jour, d'avancer, à la société de s'installer, aux premiers travaux de commencer dans les prochains mois, et donc à ce grand projet de se déployer, je le vois comme un des maillons de ce dispositif, c'est-à-dire comme un projet d'infrastructure d'aménagement fluvial du XXIème siècle, qui devra être exemplaire sur le plan écologique, qui nous permettra de faire du report modal, d'aller du camion vers le transport justement par voie fluviale, beaucoup moins émetteur de CO2, mais aussi de le faire de la manière la plus intelligente pour nous, c'est-à-dire en interconnexion avec nos ports, ce qui suppose derrière un investissement et un travail très profond d'articulation, de notre projection sur le port du Havre, de la liaison justement port du Havre - Seine - canal Seine-Nord. Et c'est le même investissement et la même stratégie. Je sais que nos régions, vos territoires, la France entière le pensent très profondément, que le gouvernement, c'est ce que je lui ai demandé, doit penser avec les régions, les grandes villes, l'ensemble de ces responsables d'infrastructures, développer beaucoup plus nos transports fluviaux, repenser les canaux au XXIème siècle et la connexion entre ces canaux et nos ports, c'est une chance que nous avons avec les infrastructures existantes mais c'est un défi essentiel qu'il nous faut relever et qui est pertinent à tous égards, sur le plan économique comme sur le plan écologique.
L'Etat sera aussi au rendez-vous dans un tout autre domaine essentiel en la matière, et qui intéresse, je le sais, le cluster maritime, celui de l'éolien en mer. Je vais vous parler avec franchise : qu'un pays comme le nôtre qui compte près de 20.000 kilomètres de côtes et possède de ce fait un des potentiels les plus importants au monde en la matière ne soit pas aujourd'hui en pointe sur ce domaine est incompréhensible. Il est donc urgent de mettre fin à des années de procédures administratives trop lentes, d'hésitations, de renoncements, parfois de remboursements. C'est chose faite. Il y a quelques mois, ceux qui me connaissent savent que je fonctionne ainsi, par impatiences successives répétées et entêtement, nous avons enfin débloqué les projets qui étaient en cours et la construction du premier parc éolien français en mer a été lancée à Saint-Nazaire. C'était une étape importante, mais je veux ici confirmer que le mouvement va se poursuivre d'ici 2024. L'Etat attribuera ainsi, chaque année, 1 gigawatt de puissance supplémentaire, soit l'équivalent d'un à deux parcs éoliens chaque année. Mais c'est un travail derrière qu'il ne faut pas négliger, qui est un travail avec nos pêcheurs et tous ceux qui ont l'usage de la mer, parce qu'il faut que les conflits d'usage soient réglés avant que les parcs ne soient déployés, et là aussi, à chaque fois, nous avons su régler ces problèmes et il faut continuer dans l'esprit de responsabilité. Et c'est un travail exigeant en termes financiers, parce que j'ai regardé aussi les contrats, on a mis du temps parce qu'on a renégocié les contrats. On faisait payer parfois à l'Etat, pour 20 ans, des prix fous. Donc je suis pour développer les filières, mais moi, je ne suis pas pour payer pour 20 ans, à un ou deux opérateurs, des prix déraisonnables, parce que c'est le contribuable qui paye. Donc il faut que chacun soit au rendez-vous de la responsabilité. Tout cela ne consiste pas simplement à combler le retard. Non, ce que nous voulons, c'est prendre le leadership, inventer un modèle qui puisse être exportable partout dans le monde, et nous voulons le faire dans tous les secteurs. C'est tout le sens de l'action du Secrétariat général de la mer, éclairé par le comité France Océan, le comité France maritime, et à travers eux, les acteurs économiques et les organisations non gouvernementales. Vous le voyez, cette voie bleue, j'y crois profondément, et je sais que vous y êtes engagés, et nous continuerons d'être à vos côtés.
Le dernier axe, le quatrième, sur lequel je voulais vous parler aujourd'hui et où je considère que notre engagement collectif est essentiel, c'est celui qui consiste à voir que la France a fait le choix de se tourner vers la mer pour bâtir son avenir, et ainsi doit faire face aussi à des incertitudes, des risques, et que donc le cap de la sécurité maritime et de tout ce qu'elle en porte est essentiel pour réussir ce défi. Certains défis ne sont pas maîtrisables. Même les plus sophistiqués des instruments météo ne permettent pas de prévoir toutes les tempêtes. D'autres le sont davantage, comme les opérations menées par des groupes criminels, des pirates qui contestent ou contournent le droit international. Donc si nous voulons être la grande puissance maritime du XXIème siècle à laquelle nous croyons, il nous faut aussi être au rendez-vous de la sécurité en mer dans toutes ses composantes. Si nous voulons protéger l'océan, si nous voulons nous tourner vers l'océan et tirer profit des promesses de l'économie maritime et protéger ces espaces que j'évoquais, il nous faut veiller à garantir la sécurité et la sûreté maritime. Dans notre économie mondialisée et numérisée, portée par la maritimisation des flux et les réseaux de câbles sous-marins, il ne saurait en effet y avoir de prospérité sans sécurité en mer.
Et il n'y a pas de sécurité en mer sans un engagement permanent pour la défendre. Je vous le dis ici avec beaucoup de force, c'est pour moi l'une des grandes convictions géopolitiques établies. Il suffit de regarder une carte. Si on veut affaiblir la mondialisation ou la fracturer, c'est par la mer. Les grands échanges, aujourd'hui, continuent de se faire par la mer, par les grands détroits, par les deux ou trois épicentres de notre commerce mondial, et ce commerce est maritime. Si nous voulons penser la puissance, regardez la mer de Chine, l'océan Indien et le Pacifique, la stratégie de certains de nos amis, parfois de nos alliés et d'autres puissances que nous respectons mais que nous regardons, le jeu d'influence et de puissance se fait par la mer. Et nous sommes dans un monde d'interconnexions permanentes. Je le disais, l'interconnexion ne veut pas dire que tout se matérialise. On continue à échanger des biens et en acheter, et même quand on les commande en ligne, ils continuent d'arriver par voie maritime. Mais ces connexions s'établissent par des câbles sous-marins, et donc la connaissance, la protection de ces espaces, la détermination d'où les câbles sont tirés et par qui ils sont surveillés est essentielle. Je le dis pour que chacun ait ici conscience de ce que l'espace maritime représente d'éminemment stratégique aujourd'hui et de géopolitique. C'est pour cela que nos armées sont engagées et que la Marine nationale est profondément engagée. Amiral, je saluais tout à l'heure votre présence en vous citant, mais je veux dire combien, ici, le rôle de nos armées est essentiel, qui a conduit à ce que nous décidions de réinvestir, mais qui conduit ici aussi à reconnaître et saluer le rôle, l'expertise, la connaissance humaine et l'engagement de tous nos marins en la matière. Il n'y a d'armée que d'hommes, il n'y a de Marine que d'hommes. Ce sont les femmes et les hommes engagés dans la Marine nationale qui font cette force et cette capacité à assurer ces missions. C'est pour cela que nous avons développé une stratégie de sécurité et de sûreté maritimes renforcée. C'est pour cela qu'à côté de nos alliés nous sommes particulièrement vigilants à la situation dans le Golfe persique parce que la libre circulation dans ces points de passage obligés que sont les détroits, comme je l'évoquais tout à l'heure, est une nécessité vitale. C'est pourquoi j'assume que la France ait pris le leadership d'une initiative justement de protection du détroit d'Ormuz. J'ai demandé qu'une frégate soit positionnée en permanence près du détroit d'Ormuz afin de protéger nos bâtiments de commerce, mieux appréhender les enjeux de sécurité de la zone mais également plus largement organiser une présence européenne et structurer notre autonomie stratégique dans la région. C'est pour cela également que la France et dès 2008 s'est fortement engagée dans la première opération navale de l'Union européenne, Atalanta, qui a permis aujourd'hui d'endiguer la piraterie maritime dans le bassin somalien. Et je tiens à rappeler toutes les missions de protection accomplies à l'époque pour notre filière pêche. Sans notre marine, sans cette collaboration permanente mise en place avec nos armateurs, nos transporteurs maritimes, les flux commerciaux et notre modèle économique seraient profondément perturbés. Sur toutes les mers du monde, la France est un acteur majeur de la sécurisation des flux maritimes fédérant un pôle européen de suivi du shipping et de fusion de l'information maritime. A Brest, à Delhi, à Singapour, à Madagascar, en connexion avec tous ses partenaires américains, européens et locaux la France se met au service du monde maritime. Cette coopération opérationnelle de tous les instants a des finalités stratégiques : nos approvisionnements, notre défense économique, la prospérité de notre pays.
C'est aussi pour cette raison que nous avons souhaité déployer une nouvelle stratégie indopacifique. Elle est profondément maritime. Cette stratégie indopacifique par un partenariat avec l'Australie, un partenariat aussi très structurant avec l'Inde conduit justement à une présence, des échanges d'informations et à assurer la liberté de la souveraineté dans l'espace indopacifique essentielle pour nos transporteurs, pour nos pêcheurs mais aussi pour nos alliés. La mer est vectrice de commerce et de liens entre les hommes mais la mer parce qu'elle est source de richesses est aussi surexploitée et parfois pillée. Je l'évoquais tout à l'heure en parlant de la biodiversité et des ressources halieutiques et c'est pour cela également que ce travail de sûreté, de sécurité maritime est essentiel et si je puis dire jumeau de la mission de lutte pour la biodiversité que j'évoquais tout à l'heure. La France et c'est son honneur prend ses responsabilités à l'échelle internationale sur ce volet aussi. Nous sommes un acteur ardent du développement durable des ressources de la mer. C'est pourquoi par exemple lorsque Madagascar a à lutter contre la piraterie en mer, contre l'exploitation de ses réserves halieutiques elle appelle la France et notre marine pour la protéger. C'est pourquoi la mission qui est la nôtre par exemple pour les Îles Eparses est une mission qu'on appelle de souveraineté mais de souveraineté pour protéger ces territoires, pour protéger leur biodiversité, le travail de nos scientifiques. Je veux souligner combien cette responsabilité environnementale que nous exerçons est aussi bénéfique pour l'emploi. Partout où elle se met en œuvre, l'exploitation raisonnée des ressources est source d'embauche, partout. Et donc ce travail de sûreté, de lutte contre la piraterie en mer, de lutte contre l'exploitation de nos réserves halieutiques c'est un travail pour aussi permettre de soutenir notre pêche durable, l'embauche dans nos territoires. Riveraine de tous nos océans, présente à toutes les latitudes, la France est légitime sur toutes les mers. Elle y exerce sa souveraineté, sa juridiction et ses responsabilités dans le respect du droit international et elle entend qu'il en soit de même pour ses partenaires.
C'est pour cela aussi que la France n'accepte pas la politique du fait accompli qui régit aujourd'hui de trop nombreux océans. Il faut le dire et le redire, le droit de la mer doit rester la matrice des relations entre Etats. Là aussi, vous l'avez compris, dans le monde de demain la France a une vocation à remplir un rôle à exercer, celle d'être une puissance maritime d'équilibre. Nous sommes une puissance économique membre du G7, une puissance militaire et diplomatique membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. La France est la première puissance maritime d'Europe, ses façades maritimes sont majoritairement ultramarines, oui la France est à l'échelle de la planète bleue un Etat-archipel et c'est un atout unique sur le plan géopolitique.
Ce trait d'union maritime fait de la France un partenaire mondial, puissance européenne autant que puissance indopacifique comme je l'évoquais à l'instant. C'est pourquoi partout nous ne sommes pas simplement vus comme des voyageurs mais toujours aussi comme des voisins : voisins appréciés et pacifiques, voisins porteurs de dialogue et non de conflits, voisins parfois protecteurs. Et j'entends que nous continuions à exercer la plénitude de nos responsabilités à l'égard de nos voisins maritimes qu'il s'agisse de l'Australie, du Japon de l'Inde mais aussi des Etats-Unis et de la Chine. La France fait dans ce cadre entendre sa voix tous les ans lors du Dialogue de Shangri-La. L'an prochain elle prendra pour deux ans la présidence du Symposium des marines de l'océan Indien. Puissance d'équilibre, capable de décliner cette forme d'indépendance indispensable de notre diplomatie et de notre autonomie stratégique, la France agit en mer et par la mer et elle continuera à investir en ce sens. La France met en œuvre au quotidien une marine nationale hauturière et océanique parmi les rares à posséder toutes les capacités d'action. Et face aux défis de demain, j'ai décidé compte tenu justement de toutes ces missions, fort de ses succès et du rôle que j'entends que nous assumons, j'ai décidé de moderniser et de renouveler les capacités navales de nos armées.
Je prendrai un seul exemple : la surveillance de nos zones économiques exclusives outre-mer. Avec la loi de programmation militaire, nous allons enfin combler les trous capacitaires inacceptables qui avaient été créés par les lois de programmation précédentes. Comment en effet vouloir se faire respecter, défendre nos intérêts, protéger l'environnement si nous ne sommes pas présents en mer sur nos propres mers ? Depuis 2017, la marine a reçu 2 bâtiments de soutien et d'assistance outre-mer, 4 bâtiments de soutien et d'assistance métropolitains et 3 patrouilleurs légers. Vous voyez l'effort fait par l'Etat en 2 ans. Mais j'ai décidé, et c'est inscrit dans la loi de programmation militaire et cela sera respecté à l'euro, de renforcer encore la protection de nos espaces maritimes. Et je suis heureux de vous annoncer que la commande de 6 nouveaux patrouilleurs outre-mer a été officiellement passée la semaine dernière par la ministre des Armées. Nous nous dotons ainsi d'une capacité inégalée et jamais acquise jusqu'alors sur le plan maritime pour protéger nos espaces mais être aussi et assumer ce rôle de puissance maritime d'équilibre. Soyez-en certains, je serai très attentif à ce que le calendrier de livraison soit scrupuleusement respecté. Concernant les moyens interministériels de l'action de l'Etat en mer, le prochain CIMER examinera pour la première fois un schéma directeur des moyens de la fonction garde-côtes pour s'assurer de la cohérence des équipements de nos administrations. Car cet effort ne s'arrête pas aux militaires, il suppose que l'ensemble de l'action de l'Etat en mer soit embrassé et au rendez-vous de cette exigence.
J'ai également souhaité que soit renforcé le segment des frégates, ces sentinelles des mers qui garantissent la liberté de navigation. La première tôle du programme FDI a ainsi été découpée le 24 octobre dernier à Lorient. Vous savez combien ces moyens sont essentiels pour assurer notre souveraineté, sécuriser nos approvisionnements stratégiques, entretenir une présence continue dans les zones de crise mais également participer à la construction de cette autonomie stratégique européenne dont nous avons tant besoin. Les récents déploiements de notre porte-avions ont ainsi agrégé autour d'une capacité unique en Europe des frégates de 4 nations européennes. Il y a 2 ans certains me disaient "Vos idées d'Europe de la défense, vous êtes un drôle." Le Fonds européen de la défense a été créé, l'Initiative européenne d'intervention est une réalité, elle continue d'engager de nouveaux pays - la Grèce, l'Italie demain - au-delà des 8 qui étaient à nos côtés le 14 juillet dernier. Et nous le voyons avec des opérations comme celle que nous avons conduites qui montrent la puissance militaire française mais sa capacité d'agrégation, nous sommes aussi en train de construire une capacité maritime européenne et c'est indispensable pour préserver notre autonomie. Ce n'est pas irénique, cela fait peut-être peur à certains, cela en contrarie sans doute d'autres mais c'est en cours et nous sommes en train de le faire et nous continuerons de le faire.
Sur ce sujet, je veux ici aussi redire combien l'ensemble de ce déploiement, de ces nouvelles commandes, de cette force est essentiel pour nos emplois et tous nos territoires et pour notre industrie. Et c'est une fierté et il nous faut continuer là aussi, je le disais tout à l'heure, à structurer davantage toutes les filières mais à consolider les grands acteurs industriels et autour d'eux les petites et moyennes entreprises qui irriguent nos territoires qui sont inclus dans la filière et qui derrière ont des carnets de commandes ; et parce que la France a décidé d'assumer justement ce rôle de puissance maritime, continuent de produire, d'innover, de faire sur tous nos territoires et de créer de l'emploi.
Sur un tout autre volet de notre sécurité maritime, je voudrais aussi avoir quelques mots particuliers pour les sauveteurs en mer très durement éprouvés cette année. J'ai tenu à leur rendre personnellement hommage au nom de la nation le 10 juin dernier aux Sables-d'Olonne. La SNSM est le ciment d'une organisation exceptionnelle, celle du secours en mer, qui repose également sur les préfets maritimes et les CROSS. Oui, par leur courage, leur générosité, leur abnégation les sauveteurs en mer sont un trait d'union entre tous les acteurs de la mer. Avec vous qui êtes réunis ici aujourd'hui je souhaite que nous puissions les applaudir. Merci Mesdames et Messieurs de ces applaudissements chaleureux qui montrent cette affection que les Français leur portent. Et vous le savez Président, j'ai entendu les inquiétudes de la SNSM et j'ai aussi tenu à ce que le prochain CIMER qui se tiendra donc la semaine prochaine réponde à ses inquiétudes et mette en place les outils qui consolideront et pérenniseront ce modèle du bénévolat auquel tous nous croyons. Je sais combien d'ailleurs tous les élus des territoires concernés et parfois au-delà sont engagés. Les parlementaires se sont mobilisés, plusieurs propositions ont été faites. C'est pourquoi nous avons très fortement augmenté la participation de l'Etat à son financement. L'année prochaine, le soutien financier direct de l'Etat à la SNSM sera porté à hauteur de 11 millions d'euros. Pour que ce soit clair pour tout le monde, nous étions à 3,5 millions d'euros en 2017 ce qui veut dire que nous aurons triplé en 2 ans. J'ai par ailleurs décidé que les enfants de sauveteurs bénévoles décédés dans l'accomplissement d'une opération de secours en mer pourraient être adoptés par la nation et devenir pupilles. Cette mesure très symbolique et forte s'appliquera évidemment aux 5 enfants de nos sauveteurs décédés en juin dernier. Enfin, parmi les mesures les plus importantes destinées à soutenir l'engagement bénévole, je souhaite que le gouvernement travaille à la reconnaissance, au soutien et à la valorisation des formations qualifiantes dispensées par la SNSM. Avant qu'il ne quitte la présidence de la SNSM, je veux ici saluer très chaleureusement et remercier le président de LA GORCE pour les 6 années qu'il a consacrées avec succès à cette cause nationale, à relever le défi, la remise en question perpétuelle qu'est la mer. Président, vous avez toujours été au rendez-vous avec courage, avec générosité, avec cette écharpe orange qu'on reconnaît de loin et avec la même bravoure que nous connaissons à tous nos sauveteurs. Merci à vous.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les 4 convictions que je voulais partager avec vous, et vous l'avez compris, surtout et avant tout, cette conviction profonde qui est que notre avenir sera et doit être maritime. Pendant des siècles, la mer a été le lieu d'un grand corps à corps, des exploits humains et technologiques contre l'union de deux éléments, l'air et l'eau. C'est encore le cas aujourd'hui, quoi qu'on sache parfois mieux dompter certains courants, mais l'humilité continue de primer, et vous le savez, ce sont des métiers de bravoure et de valeur, tous les métiers de la mer. Ce sont des métiers de courage, d'humilité. Ce sont des métiers où on innove, où on pense l'avenir, mais il ne faut jamais oublier pour autant les fondamentaux et d'où l'on vient. Ce sont des métiers qui forgent les hommes et les âmes. Pour se battre en mer, pour réussir à être une grande nation, il faut l'aimer et il faut aimer celles et ceux qui y travaillent, qui y vivent, parfois qui y meurent. C'est ça, la famille de la mer, celle que vous êtes. J'aime ce caractère des marins, qui n'ont pas peur du risque, qui parfois ne sont pas tous d'accord au sein d'un équipage mais savent que quand il faut prendre la mer, les désaccords doivent rester derrière car il y a un équipage et un seul, et que c'est cet équipage qui arrive au port ou pas, qui réussit la mission ou pas, et que le reste, ça vaut pour ceux qui ne prennent jamais la mer et qui ne veulent pas la prendre, il y en a parfois. Et donc j'aime cet esprit, ce caractère qui regarde l'horizon même dans la tempête car ils sont solidaires, quelles que soient leurs origines, car ils ont cet esprit d'équipage qui, seul, permet de faire de grandes choses. Oui, notre pays, aujourd'hui, a besoin de cet esprit d'équipage, de regarder l'horizon. Je vous le dis avec beaucoup de conviction, le XXIème siècle, à beaucoup d'égards, fut continental par ses guerres, ses défis, la manière de penser les frontières puis de panser nos plaies et de nous réconcilier. Le XXIème siècle sera maritime. C'est là que se joue la puissance, la géopolitique de demain, celle du commerce comme des connexions. C'est sur cet espace que la France aura à se penser, à vivre avec ses alliés, ses voisins, peut-être ses ennemis. C'est par la mer que nous aurons à repenser notre présence, notre alimentation, nos recherches mais aussi les équilibres de notre planète et nos océans. Le XXIème siècle sera maritime, j'en suis profondément convaincu. Nous avons tous les atouts pour l'embrasser et y réussir. Si nous savons dès aujourd'hui, avec force, vigueur et courage, nous organiser, prendre les bonnes décisions, être ensemble, et si nous savons au fond avoir de ce caractère de marin et de cet esprit d'équipage, je nous en sais capables.
Vive la mer, vive la France maritime, vive la République et vive la France.