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L’imaginaire écologique contemporain : littérature et environnement (Gand, Belgique)
Information publiée le 18 décembre 2019 par Marc Escola (source : Université de Gand) Le 15 mai 2020 Université de Gand.
Colloque International: L’imaginaire écologique contemporain : littérature et environnement
Université de Gand – 7-9 décembre 2020
La problématique environnementale occupe, depuis les années 1980, une place grandissante dans la fiction contemporaine. Si la relation de l’homme avec la nature, de Théocrite jusqu’à Thoreau, a toujours joué un rôle décisif dans la littérature occidentale, une conscience proprement écologique des menaces à l’équilibre de la biosphère est un acquis relativement récent, qui a touché la littérature après avoir pénétré la société. L’idée d’une époque géologique nouvelle, « l’anthropocène », caractérisée par l’impact de l’action humaine, s’affirme alors progressivement en tant que catégorie de l’imaginaire littéraire, tandis que la nature se constitue comme force narrative autonome, ne se lisant plus exclusivement en tant que reflet des sentiments du sujet. À cet égard, Lawrence Buell, l’un des fondateurs de l’écocritique, écrit qu’un texte environnemental est tel lorsque « l’environnement non-humain se constitue comme une présence et non comme un cadre, en suggérant que l’histoire humaine est imbriquée dans l’histoire naturelle » (Buell 1995). Cela sous-entend une logique non-anthropocentrique, ne considérant plus l’intérêt de l’homme comme le seul légitime. La dimension éthique impliquée dans une telle démarche détermine à son tour une attention renouvelée à la référentialité de la littérature, voire à l’engagement des écrivains, également dans des contextes - tels que celui de la France - qui ont vu s’affirmer, dans l’après-guerre, un expérimentalisme formaliste autocentré (Schoentjes, 2015).
Le but de ce colloque est d’enquêter sur l’impact que la sensibilité écologique a sur l’imagination littéraire et sur les nouveaux liens que celle-ci instaure, dans nos représentations individuelles et collectives, avec ce qu’on appelle communément « la nature » et « l’environnement. Une cartographie transnationale des littératures environnementales – et/ou des fictions écologiques, pour donner ce nom aux textes les plus engagés– qui puisse rendre compte de ses caractéristiques et de ses objectifs, reste en effet encore largement à faire. Toutes les fictions littéraires (roman, nouvelle, récit) en langue française, anglaise, allemande et italienne pourront être explorées, dans une perspective globale, attentive aussi à la circulation des oeuvres. Une attention particulière, dans l’esprit de la démarche écopoétique, sera portée à l’étude des moyens formels employés pour mettre en récit ces problématiques et, plus en général, à la spécificité littéraire de cette tendance culturelle (Scaffai 2017).
Parmi les axes de recherche qui pourront faire l’objet d’une proposition de communication, nous signalons :
-L’imaginaire de l’oikos : La représentation de l’enracinement dans un lieu spécifique constitue l’un des éléments les plus explorés dans la démarche écocritique, en raison du lien constitutif, indiqué par l’étymologie même, entre la maison comme mise en situation primordiale dans l’espace, et l’ensemble de la nature entendu en tant que demeure collective, chez des auteurs tels que Mario Rigoni Stern, Marie-Hélène Lafon, Robert Seethaler. Comment les auteurs représentent et problématisent-ils l’attachement de l’imagination à un lieu originaire ? Quelle est la place, dans la fiction écologique contemporaine, de l’image de la maison dans ses liens avec la nature environnante ?
-La représentation du non-humain : La littérature contemporaine porte un intérêt toujours grandissant à la représentation du non-humain, de ce qui dépasse les catégories conceptuelles et perceptives de notre espèce. Une attention particulière est consacrée au monde animal, par exemple dans les textes d’Isabel Sorente, de Günter Grass, de J.M. Coetzee, mais les mondes végétal et minéral sont également représentés, par des auteurs tels que Michael Stavarič et Pierre Gascar. Il s’agit d’un défi de taille, dans la mesure où les auteurs se servent du logos pour donner la parole à ce qui ne la possède pas. Par quels moyens stylistiques, narratifs et conceptuels peut-on donc s’extraire du point de vue de l’humain, en sortant du paradigme mimétique traditionnel ?
-La forme littéraire de l’écologie : On pourra également proposer des études construites à partir d’une interrogation sur les aspects formels qui médiatisent l’expérience écologique dans la fiction. Comment les écrivains repensent-ils un langage figuré traditionnellement anthropocentrique ? Comment l’allégorie, la métaphore, la métonymie, la synecdoque contribuent-elles à reconfigurer la séparation trop étanche entre l’homme et la nature, pour fonder un imaginaire de l’hybridation et de la relation ?
-En voyage dans la nature : les narrations écologiques contemporaines reprennent volontiers les récits de voyages et de permanences solitaires dans des lieux incontaminés qui fondent la tradition du nature writing, de Thoreau à Edward Abbey. Cependant, ces récits, tout en maintenant la recherche d’une connexion plus profonde avec la nature, repensent souvent la tradition et mettent en question ses présupposés virilistes et autarchiques pour explorer d’autres éléments, tels que les possibilités d’une nouvelle sociabilité en harmonie avec un environnement plus anthropisé (Gianni Celati) et les spécificités des expériences féminines et d’un regard écoféministe (Aby Andrews, Claudie Hunzinger).
-La narrativisation des connaissances scientifiques : l’écologie, avant d’être un mouvement politique et social, est une discipline scientifique qui étudie les interactions des êtres vivants dans leur milieu. Le traitement des connaissances scientifiques dans les textes littéraires est donc un aspect fondamental et parfois négligé par la critique, alors que des écrivains tels que Richard Powers en font un élément central de leur production. Comment les informations sur le risque écologique fournies par les scientifiques sont-elles exposées, validées ou problématisées dans la fiction ? Comment la terminologie scientifique est-elle intégrée dans les textes littéraires d’un point de vue stylistique et cognitif ? Quels notions et domaines scientifiques sont privilégiés et pourquoi ?
-Les bouleversements écologiques et la littérature des lieux toxiques : l’une des caractéristiques fondamentales de la nouvelle sensibilité écologique en littérature est sa tendance à montrer les blessures infligées par l’homme à l’environnement, en dépassant et en contestant une représentation de la nature exclusivement fondée sur l’idéalisation de ses caractéristiques positives et de sa force apaisante. Si les fictions post-apocalyptiques ont largement exploré ce motif en science-fiction, la littérature réaliste s’en est aussi emparée progressivement. Des nouveaux imaginaires de la contamination chimique, de la pollution atmosphérique et des mers, de la présence invasive des déchets, de la crise climatique ont émergé, au niveau international : on peut penser aux textes de Rick Bass, de Guillaume Poix, de Christa Wolf ou de Roberto Saviano. Quels types de personnages et de narrations, quelles représentations du lien communautaire trouve-t-on dans une littérature qui se construit sur les figures de la désharmonie et de la perte ?
-Le militantisme écologique : la préoccupation écologique correspond également au retour significatif d’un engagement littéraire, dont on a pu se méfier après la fin de la guerre froide. L’urgence des thèmes écologistes ainsi que leur universalisme ont engendré des ouvrages impliquées dans un changement des imaginaires qui se mue en une forme de lutte politique visant à influencer le débat publique (Johanatan Safran Foer, Camille Brunel, Wu Ming). Un tel combat peut également se souder avec d’autres formes de revendication sociale (éco-féminisme, écologie post-coloniale).
Quelles sont donc les différentes stratégies que les auteurs mettent en place pour avoir un impact politique et social? Quelle idée de littérature en découle ? Quel lien entretient-elle avec le militantisme direct ?
-Les fictions globales : Dans le contexte de la mondialisation, des écrivains tels que Margaret Atwood, Don De Lillo, Laurent Mauvignier, Maylis de Kerangal explorent, dans leurs romans, les possibilités fictionnelles d’un imaginaire cosmopolite, fondé sur des réseaux de connexion toujours plus puissants, matériels ou immatériels, qui structurent en profondeur la réalité et notre perception de l’autre et de l’ailleurs. Ils se trouvent ainsi face au lien problématique entre localisme et cosmopolitisme qui a été exploré critiquement par Ursula Heise (2008). De quelle manière la dimension globale de la problématique écologique participe à l’édification de cette nouvelle forme romanesque ?
Les propositions de communication (environ 400 mots) doivent être envoyées dans l’une des langues du colloque (anglais, français, italien, allemand), avec une biobibliographie de l’auteur.e, à l’adresse literature.green@ugent.be au plus tard le 15 mai 2020.
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Les organisateurs ne seront pas en mesure de prendre en charge les frais de déplacement et d’hébergement à Gand des participants. Les frais d’inscription s’élèveront à 100 euros.
Les conférences plénières seront assurées par Gabriele Dürbeck (Université de Vechta) et Kate Rigby (Université de Bath Spa).
Des tables rondes avec des écrivaines sensibles aux problématiques écologiques, Gisèle Bienne et Francesca Melandri, seront également organisées au cours du colloque pour qu’un dialogue entre la critique et la création contemporaines puisse avoir lieu autour de ces thèmes.
Bibliographie critique :
Beyond Nature Writing. Expanding the Boundaries of Ecocriticism, K. Ambuster & K.
R. Wallace éds, Charlottesville, U of Virginia P, 2001.
Ecocritical Theory: New European Approaches, Axel Goodbody, Kate Rigby éds,
Charlottesville/ London, U of Virginia P, 2011.
Facing Animals/ Face aux bêtes, A. Simon éd., L’esprit créateur, 51 : 4, 2011.
Ecocritica. La letteratura e la crisi del pianeta, Caterina Salabé ed., Roma, Donzelli, 2013.
« Écopoétiques », Alain Romestaing, Pierre Schoentjes, Anne Simon, éds, Revue critique de fixxion française contemporaine, 11, 2015, https://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/issue/view/21/showToc
Ulrich Beck, Der kosmopolitische Blick oder: Krieg ist Frieden, Frankfurt am Main,
Suhrkamp, 2004.
Lawrence Buell, The Environmental Imagination: Thoreau, Nature Writing and the Formation of American Culture, Cambridge/ London, Harvard University Press,1995.
Writing for an Endangered World. Literature, Culture, and Environment in the U.S. and Beyond, Harvard, Harvard University Press, 2001.
Gabriele Dürbeck & Urte Stobbe, Ecocriticism: Eine Einführung, Köln, Böhlau, 2015.
Timothy Clark, The Cambridge Introduction to Literature and the Environment,
Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
Michel Collot, La pensée-paysage, Arles, Actes Sud, 2011.
Catrin Gersdorf, Sylvia Mayer (Hg), Natur – Kultur – Text. Beiträge zu Ökologie und Literaturwissenschaft. Heidelberg, Winter, 2005.
Ursula K. Heise, Sense of Place and Sense of Planet: The Environmental Imagination of the Global, Oxford, Oxford University Press, 2008.
Ursula K. Heise: Imagining Extinction: The Cultural Meanings of Endangered Species. Chicago, U of Chicago P, 2016.
Serenella Iovino, Ecologia letteraria. Una strategia di sopravvivenza, Milano, Edizioni Ambiente, 2015
Timothy Morton, Ecology without Nature, New York, Cambridge, Harvard UP, 2009.
Stéphanie Posthumus, French écocritique: reading contemporary French theory and fiction ecologically, Toronto ; Buffalo ; London, University of Toronto Press, 2017.
Niccolò Scaffai Letteratura e ecologia. Forme e temi di una relazione narrativa. Roma, Carocci, 2017.
Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Paris, Wildproject, 2015
---, « Paysages toxiques : Pollution, déchets et atteintes à l’environnement dans la littérature contemporaine », Kultur – Landschaft – Raum. Dynamiken literarischer Inszenierungen von Kulturlandschaften, 2018, p. 165-182.
---, « Faire le job à Agbogbloshie. Guillaume Poix, Les fils conducteurs », Critique. Revue générale des publications françaises et étrangères (Paris), Tome LXXIV – N° 859, décembre 2018, p. 1052-1063.
Alain Suberchicot, Littérature et environnement. Pour une écocritique comparée, Paris, Champion, 2012, <Unichamp-Essentiel>.
Bernard Westphal, La géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, Minuit, <Paradoxe>, 2007.
Kenneth White, L’esprit nomade, Paris, Grasset, 1987.
Hubert Zapf, Literatur als kulturelle Ökologie. Zur kulturellen Funktion imaginativer Texte an Beispielen des amerikanischen Romans, Tübingen, Niemeyer, 2002.
Hubert Zapf, Literature as Cultural Ecology, London, Bloomsbury Academic, 2016.
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